Mobile Film Festival Africa: Interview avec le fondateur Bruno Smadja

Qu'ils soient amateurs ou professionnels, Le Mobile Film Festival Africa est un évènement qui offre une opportunité unique aux réalisateurs pour présenter leurs travaux en mettant l'accent sur la créativité, l’innovation et l'originalité des films à travers un simple concept : 1 Mobile, 1 Minute, 1 Film. La particularité qui distingue ce festival est en fait sa dimension démocratique ; il permet à un grand nombre de personnes de s'exprimer à travers le cinéma, en contournant les barrières financières et techniques souvent associées à la réalisation de films. La première édition africaine du festival a été une vitrine importante pour les talents émergents du continent. Ainsi les cinéastes africains ont pu partager leurs histoires et leurs visions à travers des productions de qualité, réalisées avec des outils accessibles à tous.

D’ailleurs, le festival encourage la diversité des sujets et des genres cinématographiques. Des courts métrages narratifs aux documentaires, en passant par les films expérimentaux et les animations, toutes les formes d'expression cinématographique sont les bienvenues afin de mettre en lumière la richesse culturelle et la pluralité des perspectives africaines.

Pour en savoir plus sur cet événement Linformation.ma, s’est entretenu avec le fondateur du festival Bruno Smadja.

Q1-Linformation.ma : Qu'est-ce qui a inspiré la création du Mobile Film Festival Africa x à Rabat, et quelles sont les principales valeurs que vous cherchez à promouvoir à travers cet événement ?

Rép-Le fondateur Bruno Smadja : Le Mobile Film Festival est né il y a 18 ans de l’opportunité offerte par les premières caméras mobiles et de la conviction qu’elles pourraient devenir un outil d’accès égalitaire et démocratique à la création audiovisuelle et au cinéma.

Nous sommes nés en France, nous nous sommes développés dans le monde en partenariat avec l’ONU et depuis 2020, nous avons créé une édition panafricaine le Mobile Film Festival Africa.

L’édition 2023 est soutenu par le Ministère de la Culture du Maroc ainsi que par CGLU Afrique qui ont permis au festival de devenir un évènement officiel des célébrations de Rabat, capitale africaine de la culture.

Q2-Linformation.ma : Comment jugez-vous les deux éditions africaines du festival par rapport aux autres éditions ?

Rép-Le fondateur Bruno Smadja : Depuis 2015 et l’internationalisation du festival, l’Afrique est présente au sein des sélections officielles et du palmarès. Ainsi Rami Jarboui, réalisateur tunisien, a été lauréat du Grand Prix International de l’édition 2017.

La première édition panafricaine a été organisée pendant la crise COVID, toutefois nous avions eu de nombreuses participations (497) et surtout une large couverture du continent (38 pays).

A l’occasion de cette seconde édition, dont l’appel à films a eu lieu aux mois de février et mars 2023, nous avons vu les participations augmentées fortement de +78%. Nous avons reçu 886 films de 40 pays.

Selon moi, il n’y a pas de différence entre une édition internationale et une édition panafricaine tant d’un point de vue créatif que technique.

Q3-Linformation.ma : Comment votre passion pour le cinéma a-t-elle influencé votre vision du Mobile Film Festival, et comment cela se reflète-t-il dans la sélection des films et la promotion des talents ?

Rép-Le fondateur Bruno Smadja : Comme vous l’évoquez ma passion du cinéma est le moteur de ce projet.

Depuis ma plus tendre enfance, le cinéma a été pour moi un formidable instrument pour découvrir le monde, pour appréhender des univers que je ne connaissais pas, pour essayer de mieux comprendre des cultures, pour voyager très loin dans une salle de cinéma.

C’est ce que je continue à rechercher lorsque je sélectionne avec l’équipe les films en compétition. Un voyage, une expérience, nous amener dans un contexte que je n’aurais jamais connu par ailleurs.

Voici 2 exemples au sein de la sélection officielle 2023.

"Human Migrant" de Kamal Tahtah (Maroc), qui nous emmène au plus près d’une famille de migrant qui essaye de passer une frontière. Il nous fait ressentir la peur, la menace auxquelles sont soumis ces personnes.

Avec “Les Héros de la Nature” de Gael Bolila (RDC), nous nous retrouvons au plus près des personnes en charge des déchets à Kinshasa. Le réalisateur nous fait toucher du doigt l’abysse énorme entre la quantité de déchets et les outils à la disposition des éboueurs.

Q4-Linformation.ma : Quel impact souhaitez-vous que le festival ait sur la promotion et la diffusion du cinéma africain ?

Rép-Le fondateur Bruno Smadja : Au risque de sembler manquer d’humilité, je souhaite que le festival puisse être le révélateur d’une nouvelle génération de cinéastes africains partout sur le continent.

Car le premier objectif, que nous visons, est d’offrir à ces jeunes talents la possibilité de se professionnaliser grâce aux bourses (46.000 $) qui accompagnent les prix et qui permettront de réaliser un court métrage produit avec des moyens professionnels.

Nous espérons aussi que les acteurs de l’industrie du cinéma en Afrique se penchent sur la belle sélection de 54 films que nous présentons auprès du public.

600 écrans de cinéma nous soutiennent et diffuserons des films en avant séance.

Nous espérons aussi que les chaînes de télévision viennent chercher les talents du Mobile Film Festival Africa pour produire une série, un doc, ...

Enfin, nous souhaitons organiser des workshops en Afrique auprès de publics plus jeunes, moins expérimentés (scolaires, jeunes,) pour leur faire découvrir comment on raconte une histoire et à quel point ils ont une chance incroyable d’avoir une caméra dans leur poche pour raconter leurs histoires

Q5-Linformation.ma : Comment le Mobile Film Festival Africa se positionne-t-il parmi les autres festivals de films en Afrique et dans le monde ?

Rép-Le fondateur Bruno Smadja : Le Mobile Film Festival Africa est un petit frère vis-à-vis des autres festivals de films en Afrique.

C’est pour cela que nous développons des partenariats en mettant à disposition nos films pour être présenté dans de grands festivals.

Cela sera le cas lors du Master International Film Festival d’Hammamet où nos petits films seront projetés avant chaque long métrage. Nous serons aussi présents lors du FCAT, le festival du cinéma africain de Tarifa et Tanger.

Nos films sont à la disposition des autres festivals mais pas uniquement, nos films sont aussi à la disposition d’associations, de professeurs, d’universités pour être diffusés auprès du public.

Q6-Linformation.ma : Pouvez-vous nous parler du processus de sélection des films et des critères qui sont pris en considération pour choisir les lauréats ?

Rép-Le fondateur Bruno Smadja : Ce qui nous a animé pour constituer cette sélection officielle de 54 films de 21 pays, ce sont avant tout les histoires, les scénarios et la qualité des films.

Nous recherchons de futurs grands cinéastes, il s’agit donc d’identifier en regardant ces films d’une minute ceux à qui nous souhaiterions donner les moyens d’aller faire plus long !

Par exemple, pour choisir les comédies, on regarde le rythme, l’énergie et la capacité à faire rire.

Voici un bon exemple de film, qui reprend les codes des films d’action, des films de boxe en l’intégrant avec intelligence dans ces histoires.

Dernier Round” de Kouakou Jean Othniel Bonzi (Côte d’Ivoire)

Q7-Linformation.ma : Comment le festival encourage-t-il les réalisateurs à aborder des sujets qui reflètent la réalité et les préoccupations de l'Afrique ?

Rép-Le fondateur Bruno Smadja : Il n’est nul besoin d’encourager les réalisateurs à aborder certains sujets, ils le font d’eux-mêmes avec cette volonté de prendre la parole, d’interpeller, d’alerter, de nous faire partager ce qui les touche.

Ainsi cette année, les questions de changement climatique, des droits des femmes, de migration ou de travail des enfants ont été abordés avec des points de vue très différents et originaux.

Voici quelques exemples :

Le dernier géant” de Mahoulome Onesiphore Adonaï (Bénin) nous raconte l’histoire d’un majestueux Kapokier, un arbre sacré dans certains pays. Ainsi cet arbre nous invite à réfléchir sur notre lien avec la nature, sur le temps long et l’importance des arbres.

Butterfly” de Khaoula Regragui (Maroc) est un film très poétique, qui parle de liberté des femmes

Chimera” de Ayoub El Kalai (Maroc) nous amène au plus près d’un jeune qui essaye de traverser le détroit

Yakaru Talibe” de Cheikh Sidate Niang (Sénégal), nous emmène dans le quotidien d’un enfant Talibé à Dakar

Q8-Linformation.ma : Pouvez-vous nous parler des jurys qui sélectionnent les lauréats du festival, et quels sont leurs critères de sélection ?

Rép-Le fondateur Bruno Smadja : Cette année, le jury est composé de 6 personnalités du cinéma.

Samia Akarriou, Sofia Alaoui, Françoise Ellong-Gomez, Rafiki Fariala et Fibby Kioria composent le jury qui est présidé par Gad Elmaleh.

Un jury de festival c’est avant tout une alchimie, un échange.

Les critères de la part des professionnels du cinéma, qui composent le jury, sont avant tout cinématographiques l’histoire, la réalisation, le jeu, mais les lauréats se décident souvent en fonction des émotions qu’ils provoquent auprès du jury.

Les lauréats seront révélés le 8 juin à Rabat au cinéma Renaissance.

Q9-Linformation.ma : Quels sont vos projets futurs pour le festival et comment envisagez-vous de le faire évoluer ?

Rép-Le fondateur Bruno Smadja : Parmi les développements sur lesquels nous travaillons sur le continent, il y a l’envie de pérenniser une édition au Maroc qui nous a si bien accueilli cette année.

L’édition Africa devrait se déplacer au grès des prochaines capitales africaines de la culture au côté de CGLU Afrique.

Enfin, toujours au Maroc, nous espérons mettre en place un programme de workshops “48 heures pour faire un film mobile” pour aller à la rencontre de la jeunesse marocaine et travailler avec les acteurs de terrain pour stimuler la créativité visuelle.

Q10-Linformation.ma :  Comment les partenaires du festival contribuent-ils à son succès, et comment le festival peut-il renforcer ces partenariats à l'avenir ?

Rép-Le fondateur Bruno Smadja : Depuis le COVID, dans le monde entier, les événements culturels vivent des moments plus difficiles pour se financer.

Je pense qu’il est aujourd’hui de la responsabilité des acteurs privés, des entreprises, des acteurs publics de soutenir la culture au travers de financements directs pour aider à se financer.

C’est une très grande opportunité et un honneur d’être un événement officiel de Rabat, capitale africaine de la culture et d’avoir été soutenu par le Ministère de la Culture et CGLU Afrique.

Du fait de notre prisme mobile, nous recherchons un opérateur mobile qui souhaite diffuser sur l’ensemble du pays des formations et workshops pour que l’usage du mobile créatif et inventif, qui saura s’emparer du projet vis-à-vis de ses clients et de ses partenaires ?

 

cndp

Déclaration N° : D-NL-189/2020

Dossier presse : 2022/02

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